L’or malien/ LA FIN DES BRADAGES ?
Le code minier du Mali élaboré par le gouvernement de transition en 2023 fait des vagues. Son application permet de faire bénéficier les Maliens des retombées de leurs ressources minières, par les obligations du contenu local; l’augmentation des parts de l’Etat et du secteur privé dans l’exploitation des mines; la suppression de certaines exonérations fiscales et douanières. L’application de ce nouveau code minier à laquelle tient le ministre des Mines Pr Amadou Kéita comme à la prunelle de ses yeux a conduit à la révision des contrats miniers entre l’Etat et les sociétés étrangères d’exploitation à l’aune de la refondation prônée par les Maliens pour l’intérêt supérieur de ce peuple. Cette nouvelle dynamique crée des grincements de dents chez certains partenaires du Mali, des sociétés minières qui peinent à abandonner certaines vieilles habitudes, comme le bénéfice de 80% des revenus pendant que l’Etat se contentait de la portion congrue de seulement 20%. A l’aune du nouveau code minier, le Mali du Général Assimi Goïta s’octroie jusqu’à 35% dont 5% reservé au secteur privé. On assiste à des résistances de la part de certaines sociétés étrangères qui rechignent à payer les taxes y afférentes. Certaines mines ont sauvé les meubles, telle que l’australienne Resolute Mining, d’autres sont sujettes à nationalisation, à l’instar de la mine de Yatela. Qu’en sera-t-il des mines de Loulo-Gounkoto?
De Randgold Ressources à Barrick Gold, le PDG de la société minière canadienne, le sud Africain Mark Bristow, a suffisamment sucé la crème du fleuron de l’économie malienne: les mines d’or. De Morila à Sadiola et Loulo-Gounkoto, les sociétés d’exploitation minières sous sa direction ont encaissé 80% des revenus de l’or produit, pendant que l’Etat malien s’est contenté de seulement 20%.
Le Mali étiquété pays pauvre s’est resigné de cette portion congrue jusqu’à l’ère du nouveau code minier de 2023, qui est une mise en oeuvre des recommandations issues des Assises nationales de la Refondation (ANR). Visiblement, Mark Bristow emmuré dans sa tour de confort n’a pas vu se faire le changement irrévocable, et veut rester droit dans ses bottes, au détriment des intérêts du peuple malien. Entre se plier au choix stratégique du Mali ou se casser, le choix est entre les mains du sud africain à la tête de la société canadienne. Va-t-il opérer le bon choix?
Prenant connaissance du dossier fiscal de Barrick Gold, avec des taxes impayées; et des expéditions incontrôlées de l’or produit à partir de Loulo Gounkoto, le juge malien a lancé, debut décembre 2024, un mandat d’arrêt national contre le PDG de la société, le sud Africain Mark Bristow, pour «blanchiment de capitaux». Il n’est pas le seul concerné dans ce dossier. Le directeur général malien de Barrick Gold corporation, Cheikh Abass Coulibaly, est aussi concerné par le mandat d’arrêt et le chef d’inculpation de «blanchiment de capitaux». Egalement quatre employés maliens de Barrick Gold Corporation avaient été inculpés et placés en détention, en novembre 2024, pour malversations financières.
Les autorités maliennes exigent l’application du nouveau code minier. «Barrick Gold est redevable de 199 millions de dollars [soit environ 125 milliards de FCFA] de taxes impayées», selon nos sources.
Blocage des exportations
Barrick Gold a annoncé, le lundi 16 décembre, que le gouvernement malien a bloqué les exportations d’or de Loulo-Gounkoto, avisant que le maintien de ce blocage pourrait le contraindre à « suspendre ses opérations ». Les autorités maliennes avaient effectivement émis une ordonnance de saisie conservatoire à l’encontre des stocks d’or de la société Barrick Gold, trois tonnes d’or auraient été saisies sur le site de la mine d’or de Loulo-Gounkoto (Kenieba, près de la frontière avec le Sénégal) .
La société canadienne Barrick Gold ne peut plus expédier l’or produit. Le stock d’or existant sur le site a été transféré à une banque dépositaire. Le transport a eu lieu par un hélicoptère de l’armée malienne, selon nos sources.
Avec des collaborateurs aux arrêts, et lui-même, le PDG et le directeur général poursuivis, inculpés au Mali, et la saisie conservatoire sur le stock du site minier, Mark Bristow est mal barré. Il n’en fallait pas plus pour que le mangnat de l’or, sûr de ses arrières et de son mentorat, engage un bras de fer contre le gouvernement de transition du Mali, appelé sous d’autres cieux, «junte au pouvoir au Mali». Le 14 janvier 2025, la société canadienne Barrick Gold suspend ses activités de production dans une zone d’exploitation, qui a vu sa production d’or augmenter constamment ces dix dernières années. La société emploie 8000 personnes et détient 80% des parts de la mine contre 20% pour l’Etat malien. Pour cette mine et d’autres au Mali, rien ne sera plus comme avant.
Mal barré, le mangnat de l’or Mark Bristow saisit le CIRDI
Mark Bristow, PDG de la société canadienne Barrick Gold Corporation, opérant à la mine de Loulo Gounkoto, l’un des plus importants complexes aurifères (souterrain et à ciel ouvert) au monde, a lancé le 18 décembre un arbitrage international contre l’Etat malien pour se soustraire de l’application du code minier élaboré en 2023. A-t-il trouvé que le bénéfice de 35% serait trop élévé pour le Mali, «un pays pauvre», qui n’aurait pas les moyens d’exploiter un complexe minier, de la dimension de la mine de Loulo-Gounkoto ?
La Compagnie minière canadienne Barrick Gold a annoncé, dans un communiqué en date du mercredi 18 décembre 2024, avoir sollicité l’arbitrage du Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI) pour « trancher les désaccords » avec le gouvernement du Mali. « Barrick recherche une solution équitable au Mali par le biais d’un arbitrage », a écrit la Compagnie canadienne, qui confirme que les deux sociétés d’exploitation de Barrick Gold au Mali, Loulo SA et Gounkoto SA, ont soumis une demande d’arbitrage au Centre international pour le règlement des différends relatifs aux investissements (CIRDI).
Selon la société canadienne cette saisine vise à « se conformer aux stipulations de leurs Conventions d’Établissement respectives avec l’État du Mali, pour traiter les désaccords concernant le complexe Loulo Gounkoto ». selon ce communiqué, « le mécanisme d’arbitrage, prévu par les Conventions d’Établissement de Somilo et de Gounkoto conclues avec l’État, s’est avéré dans le passé être un outil efficace pour renforcer les partenariats et trouver des solutions mutuellement acceptables grâce à une autorité indépendante et compétente », affirme Barrick Gold.
Le président-directeur général de Barrick, Mark Bristow, cité par le communiqué rappelle « trois décennies d’activité au Mali » de la société canadienne Barrick Gold qui est restée « ouverte à un dialogue continu avec le Gouvernement pour résoudre ces questions à l’amiable et assurer le succès à long terme du complexe de Loulo-Gounkoto ».
La cause n’est pourtant pas perdue entre Barrick Gold Corporation et le gouvernement malien, qui peuvent retrouver la table de négociation, tout peut encore s’arranger à Loulo Gounkoto, entre les deux parties, pour sauver les meubles. Si Mark Bristow décidait de se présenter au Mali pour négocier, il passera peut-être par le schema de la société australienne Resolute Mining, dirigée par le Britanique Terence Holohan, qui a eu un accord avec la partie malienne, en novembre dernier. Comment ?
Resolute Mining: le DG et deux employés interpellés et libérés Le directeur général et deux employés de la société australienne Resolute Mining avaient été interpellés le 8 novembre 2024 et libérés le 20 novembre, après un accord avec le gouvernement malien. Lorsqu’ils se rendaient dans la capitale malienne pour des négociations, le directeur général britannique, Terence Holohan, et deux de ses collègues ne s’attendaient pas à une détention pour être interrogés, sous estimant la détermination des militaires au pouvoir à défendre les intérêts des Maliens.
Le directeur général et les deux employés ont été remis en liberté, mercredi 20 novembre 2024, lorsque la société australienne Resolute Mining, qui détient 80 % de la mine d’or de Syama (Nord-Ouest), a trouvé un accord avec le gouvernement. Selon nos sources, la Compagnie australienne Resolute Mining a déclaré qu’elle verserait 160 millions de dollars (plus de 80 milliards de FCFA) à l’Etat malien.
Le paiement des 160 millions de dollars n’a pu se faire en une seule fois, Resolute ne disposant selon ses états financiers que de 157 millions de dollars en liquidités. En effet la société aurait déclaré qu’elle verserait au gouvernement malien 80 millions de dollars prélevés sur les « réserves de trésorerie existantes » et qu’elle effectuerait un autre paiement de 80 millions de dollars dans les «mois à venir ».
De la mine de Yatela à Loulo-Gounkoto, en passant par Syama, le schema de négociation diffère jusque là, même si les dossiers ont été judiciarisés dans les deux dernières (Loulo-Gounkoto et Syama).
A Yatela la mine a été proprement nationalisée. Nationalisation de la mine de Yatéla Les trois parties de la mine de Yatéla, à savoir l’Etat malien le sud-africain AngloGold Ashanti et le Canadien Iamgold ont signé le 17 Octobre 2024, une convention de rétrocession de la mine de Yatela, dans la région de Kayes.
Le gouvernement malien a adopté mercredi 23 octobre, un décret en conseil des ministres présidé par le chef de l’Etat Assimi Goïta, approuvant le contrat de cession à l’Etat des parts détenues dans la société par la sud-africaine AngloGold Ashanti et la canadienne Iamgold, à hauteur de 40 % chacune, l’Etat malien ne détenait que 20 %. Le communiqué du conseil des ministre indique que les activités de la mine de Yatéla qui ont démarré en 2001 ont été arrêtées en 2016 à cause de la baisse soudaine du cours de l’or.
Les deux sociétés cèdent la mine « au franc symbolique », selon le ministre de l’Economie et des Finances, Alousséni Sanou, à l’occasion de la signature de la convention de retrocession.
L’Etat malien touche 36 millions de dollars [plus de 18 milliards de FCFA] pour la fermeture et la réhabilitation, selon le ministre. « Le contentieux fiscal a abouti à un règlement dans les cinq jours d’un montant de 2,5 milliards de francs CFA, qui vont revenir au Trésor », annonce le ministre de l’Economie et des Finances.
La mine qui a un potentiel important, va être transférée à la Société de Recherche et d’Exploitation des ressources minérales du Mali (Sorem), entreprise d’Etat aux capitaux 100% publics, créée en 2022 par les autorités maliennes de la transition pour que « l’or brille davantage pour tous les Maliens ».
Le ministre Pr Amadou Kéita droit dans ses bottes Le bras de fer que lui oppose le mangnat sud africain de l’or, ne semble nullement ébranler le ministre Pr Amadou Kéita, qui trouve une saine motivation dans la défense des intérêts des Maliens. Si le milliardaire sud africain entend se battre jusqu’au bout au nom de la multinationale canadienne, exploitant en terre malienne, l’un des plus grands complexes miniers au monde, le ministre des Mines en mission du chef de l’Etat, le Général Assimi Goïta, s’inscrit dans la sauvegarde des intérêts nationaux recommandée par les ANR en décembre 2021.
On note cependant que la judiciarisation des dossiers de négociation (mandats d’arrêt lancés contre le PDG de Barrick Gold corporation, le sud africain Mark Bristow et le directeur général malien de Barrick Gold, Cheikh Abass Coulibaly, les arrestations de certains cadres de la société canadienne, les interpellations du Directeur général britanique de l’autralienne Résolute mining), ainsi que la nationalisation de Yatela n’ont pas joué contre l’élan des investisseurs au Mali.
Le punch est resté et la destination Mali attire les sociétés minières. L’exemple le plus récent est la signature d’une convention d’exploitation en janvier 2025, avec la société canadienne Allied Gold Corporation, qui s’installe à Sadiola.
La société canadienne Allied Gold Corporation s’installe à Sadiola L’Etat malien a signé le 7 janvier 2025 à Bamako, une convention avec Allied Gold Corporation, une société canadienne d’exploitation minière. La société obtient une licence d’exploitation de 5 ans de la mine d’or de Sadiola dans la région de Kayes.Les parts du pays dans l’exploitation de cette mine s’élève à 35 % (30% pour l’Etat malien et 5% pour les investisseurs privés) représentant 120 milliards de FCFA par an.
L’entreprise canadienne Allied Gold Corporation s’installera dans une nouvelle mine à Korali-Sud non loin de Sadiola. Un investissement de 500 millions de dollars est prévu.
Cet investissement s’inscrit dans le renforcement du secteur minier et permettra la création des emplois et le développement des infrastructures et des recette fiscales. Les réserves de la mine sont estimées à environ 200 000 onces, soit 5,67 tonnes de minerai d’or.
Auteur: B. Daou
Le Républicain