Fragments d’histoire du Mali. De Wagadou à la pénétration coloniale

«Fragments d’histoire du Mali. De Wagadou à la pénétration coloniale.» (Tome 1)

«Une synthèse puissante de ce long marathon d’Histoire et de Civilisations africaines»

«Fragments d’histoire du Mali. De Wagadou à la pénétration coloniale.» est un livre d’histoire, le premier de Samba Lamine Sow édité par Prostyle Editions, Bamako, février 2025. un livre de poche de 246 pages assez facile à lire, un agréable voyage dans le temps, au prix unitaire de 10 000 Francs CFA.

Après avoir lu le livre, nous osons le dire: on n’a pas une bonne connaissance de notre histoire, en ce qui concerne la majorité des Maliens. Les méritants qu’on connaît généralement sont des noms qui reviennent très souvent: Soundiata Kéita, Babemba, Tieba Traoré, El hadj Oumar Tall, Samory Touré, Sonny Aliber, Askia Mohamed, qui sont des héros à célébrer à tout moment. Mais, il y a d’autres hommes, non moins méritants, mais qui ne sont pas bien connus du grand public. A travers ce livre «Fragments d’histoire du Mali. De Wagadou à la pénétration coloniale», l’auteur Samba Lamine Sow a voulu mettre en lumière, la lutte héroïque du peuple Bambara du Bélédougou contre l’occupation coloniale, à laquelle un long chapitre est consacré. Des noms d’illustres combattants y sont cités, comme Koumi Diossé Traoré, Samba Blé Diarra de Massadola, Taton Diarra à Nonkon, Fablen Traoré, tous du Bélédougou, et organisateurs de la bataille de Kodialan vers Nosombougou. Cette bataille a concerné tout le Bélédougou depuis Dio, Kati Sananfra où commence le Bélédougou jusqu’à Mourdia; près de 20 cantons ont envoyé leurs représentants à Nonkon, sous la férule de Koumi Diossé. L’auteur a pensé à ces braves guerriers qui ne sont pas moins méritants, mais peu connus, pour les mettre en lumière à travers ce livre.

«Un livre d’histoire du Mali? Un écrit de plus, une légende désuète? Peut-être! Mais «Fragments d’histoire du Mali» marquera la différence». Cette affirmation est faite dans la préface écrite par l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, Assétou Founé Samaké Migan. L’ouvrage est une synthèse puissante de ce long marathon d’Histoire et de Civilisations africaines, où Empires et Royaumes se sont passé le relais, comme pour braver le temps et résister aux contradictions internes et assauts extérieurs, selon l’auteur de la préface. Ce livre fait écho à une demande de plus en plus pressante des citoyens adressée aux intellectuels et élites politiques: la disponibilité d’une Histoire saisie de l’intérieur, interprétée, documentée par nous-même et pouvant contribuer à l’éducation civique et patriotique de la jeunesse malienne.

«Fragments d’histoire du Mali. De Wagadou à la pénétration coloniale» est certes son premier livre, mais l’auteur Samba Lamine Sow n’est pas un novice des lettres. Diplomé en Sciences juridiques de l’Université d’Etat de Voronezh (ex URSS), il est précédemment Rédacteur en chef de la revue INPS Magazine et auteur d’articles publiés dans les journaux.

Passion d’écrire

L’Inspecteur Principal de Sécurité Sociale, qui a été successivement Directeur régional de l’Institut National de Prévoyance sociale (INPS) à Kayes, Koulikoro, Mopti, puis Conseiller du Directeur Général de l’INPS, pour les régions de Ségou, Sikasso et Kayes , avant d’être chef de Cabinet du ministre de la culture entre 2011 et 2012, puis une nouvelle fois Conseiller du Directeur Général de l’INPS, jusqu’à la retraite en 2014, s’est trouvé une nouvelle vocation dans l’écriture. Le périple à travers ces régions, ainsi que son séjour prolongé dans d’autres cités du Mali expliqueraient en partie sa passion pour l’histoire. Le livre met en évidence la richesse du patrimoine historique du Mali, qui reste encore à découvrir pour bon nombre de Maliens.

Trois raisons pour «Fragments d’histoire du Mali»

1- Expliciter le pourquoi et le comment des événements

Selon l’auteur de «Fragments d’histoire du Mali. De Wagadou à la pénétration coloniale.», Samba Lamine, que nous avons rencontré, il est difficile de trouver un livre qui retrace l’histoire générale du Mali, un livre d’histoire qui retrace tout le parcours de notre pays, depuis les temps immémoriaux jusqu’à nos jours. Or l’histoire d’un pays plaide-t-il, doit être maîtrisée forcément par ses fils. Si aujourd’hui, nous parlons de l’Égypte, c’est parce qu’il y a eu des chercheurs, qui se sont intéressés à cette matière. «Donc faute d’avoir une histoire générale de notre pays, nous avons tenté d’apporter notre contribution, parce qu’il ne s’agira point pour une seule personne d’arriver à ce niveau. Elle ne sera pas à même de retracer toute cette histoire féconde de notre pays», indique l’auteur. En plus des écrits, qui parlent en pointillés de l’histoire du Mali, des éphémérides, des dates qui retracent les événements depuis la nuit de temps jusqu’à aujourd’hui, il y a lieu d’expliciter, d’entrer dans le pourquoi et le comment de ces événements, pour que les générations futurs puissent s’en approprier, argumente l’auteur comme une raison qui l’a poussé à écrire ce livre.

2- Sortir certains bâtisseurs de l’oubli

En effet «Fragments d’histoire du Mali. De Wagadou à la pénétration coloniale.» est un livre qui veut ouvrir ses pages sur des bâtisseurs de ce pays qui ont donné de leurs énergies, de leur sang, de leurs vies et qui restent jusque là inconnus de la plupart des Maliens, à fortiori du reste du monde. Il s’agit de ces femmes et ces hommes qui se sont battus pour que ce pays soit. A travers ce livre, Samba Lamine Sow tente de braquer le projecteur et de faire la lumière sur quelques uns d’entre eux, afin que les générations futures sachent qu’elles héritent de personnes méritantes.

3- Une réplique contre les déformations

L’auteur à travers ce livre se propose de porter la réplique à ceux qui ont tendance à déformer l’histoire du Mali. Ce livre est une contribution dans cette réplique pour redresser certaines déformations et faire ressortir les côtés véridiques des événements ou sur la vie et l’oeuvre de ces hommes présentés dans le livre.

A la lecture, on n’en doute pas, l’auteur a choisi de mettre le curseur sur une partie de l’histoire, celle des bâtisseurs d’empires et de civilisations, rappelant qu’«il n’y a pas que l’Afrique des défaites, mais l’autre Afrique est très mal connue. Et ce livre insiste sur cet aspect», souligne l’auteur, une idée précisée dans la préface par par l’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche Scientifique, Mme Assétou Founé Samaké Migan.

L’auteur Samba Lamine Sow insiste sur le fait que l’Afrique qui n’est pas qu’un continent de défaite, regorge également d’hommes qui ont bâti ce continent avec succès.

Le phénomène terroriste éventré

A la lumière de cette approche de «Fragments d’histoire du Mali», comment lire le présent et apporter les réponses aux défis actuels comme par exemple ceux du terrorisme et l’extrémisme violent (le phénomène djihadiste) qui déstabilisent le Sahel?

Pour se défaire de l’emprise du néocolonialisme et de ses nouvelles formes de manifestation à travers ce qu’on appelle aujourd’hui le terrorisme, il nous faut être muni de suffisamment de bagage intellectuel, de connaissance de soi-même pour pouvoir affronter les autres, surtout l’ennemi et pouvoir vaincre le péril. Sans le savoir, sans la connaissance, on ne vaincra jamais définitivement les périls qui se poseront devant nous. A ce niveau ce livre «Fragments d’histoire du Mali» est une contribution.

Selon l’auteur, «le terrorisme est aujourd’hui alimenté par un système bien organisé, bien huilé, qui a ses racines depuis l’occident jusqu’à nos frontières. Alors pour mieux comprendre le mécanisme de ce terrorisme, et en avoir une connaissance, je pense que l’histoire de notre pays peut nous y aider».

Dans ce livre, «Fragments d’histoire du Mali», l’auteur Samba Lamine Sow a parlé du terrorisme endémique qui a caractérisé une partie de notre pays, pendant des siècles; ce terrorisme qui nous est venu du nord, depuis l’Espagne, jusqu’au Maroc, en descendant jusqu’à Gao, Tombouctou, Djenné et qui était alimenté par des souverain arabo-berbères, qui ont toujours eu la tentation d’envahir notre pays et de s’en accaparer.

S’agissait-il de courant d’islamisation ? Non, ce n’est pas l’islamisation comme tel, mais une volonté de conquête de notre pays pour s’accaparer de ses richesses. Il ne s’agissait pas d’une islamisation en tant que telle, mais chemin faisant on peut y mettre des arguments. «Je pense qu’à travers ce livre, on peut comprendre que notre pays est plus ancien que certains d’autres qui prétendent aujourd’hui, nous donner des leçons, y compris certains de nos voisins immédiats», s’insurge l’auteur, au cours de notre entretien. Dans ce livre, l’auteur parle de l’oeuvre d’Ahmed Baba, «saint parmi les saints», universitaire, qui a été kidnappé à Tombouctou «Au pays d’Ahmed Baba», pour l’amener dans la cours du roi du Maroc. Il a été ainsi exilé pendant seize ans avec ses compagnons, pendant lesquels on lui a demandé de tout faire pour former des cadres supérieurs de ce pays. Ahmed Baba pendant seize ans s’est livré à cet exercice de gré ou de force. Et ce faisant, il a eu à former des cadres, qui appartiennent aujourd’hui à d’autres pays que le Maroc.

Et l’Algérie naquit

Des théologiens ont été formés par Ahmed Baba, dans des villes comme Tlemcen, Meknès et Marrakech. Certaines villes où des théologiens ont été formés au Maroc, ne sont pas toutes marocaines aujourd’hui. Le livre évoque le cas d’un théologien algérien de Tlemcen qu’Ahmed Baba a formé au Maroc. A l’époque certaines villes n’étaient pas algériennes, mais appartenaient au Maroc, étaient sur le territoire marocain. Ce n’est qu’à l’arrivée du français que les territoires du Mali, du Maroc, de la Tunisie ont été fractionnés pour en faire un pays comme l’Algérie. C’est dire que le Mali est un vieux pays par rapport à notre voisin qui nous pose tant de problèmes et qui veut nous donner des leçons d’histoire. Nous avons eu à former leurs cadres à travers Ahmed Baba, alors qu’ils n’existaient pas en tant que pays. Comme disait le Président IBK (Paix à son âme) nous fûmes avant bien d’autres.

Empire peulh du Macina Versus empire toucouleur

Bien que le livre «Fragments d’histoire du Mali» évoque «l’empire peulh du Macina», mais aussi el hadj Oumar Tall, Alias Cheick Oumar foutiyou ou saiku umar, Samba Lamine Sow lève tout équivoque entre les deux: il y a un distingo à faie, l’empire peulh du Macina, ce n’est pas l’empire d’el hadj Oumar.

L’empire peulh du Macina a été fondé en 1818 par Amadou Sekou alias Hammadou Boubou, qui est totalement différent d’Amadou fils d’el hadj Oumar.

Amadou Sékou était un berger dans le delta central du niger, un talibé, qui avait des écoliers avec lui, qu’il formait. C’est là qu’il a créé un Etat qu’on a appelé «Empire peulh du Macina», qui s’étendait jusqu’à Tombouctou. Il y a régné comme souverain de 1818 à 1845. Son fils Sékou Amadou lui a succédé au trône, avant d’être succédé à son tour, par Amadou Amadou.

A l’époque de Amadou Amadou, el hadj Oumar Tall était déjà à Ségou, quand il a fait ses conquêtes depuis le Fouta Djalon, en passant par le Djalonkabougou, dans le Bambouk, en venant jusqu’au Khasso, puis le Kaarta et de là jusqu’à Ségou. A l’époque, il y avait dans le delta central, le roi Amadou Amadou (petit fils de Hammadou Boubou), qu’on appelait Amadou III (parce que tout les trois étaient Amadou: le père fondateur, le fils et le petit fils. C’est lui Amadou Amadou qui a été en guerre contre el hadj Oumar Tall. La raison est que, c’est quand el hadj Oumar a conquis Ségou, Bina Ali qui était le roi est allé se réfugié chez Amadou Amadou à Macina, qui a voulu le protéger, en amenant ses forces armées pour contrer el hadj Oumar. Il y a eu des affrontements dans lesquels Amadou Amadou lui même a péri. De là el hadj Oumar a conquis l’empire peulh du Macina, qui avait Hamdallaye comme capitale. Quand il a gagné sur Amadou Amadou, il en est devenu le souverain et s’est installé naturellement à Hamdallaye (entre Somadougou et Mopti- Sévaré). Il y a gouverné pendant près de deux ans avant de Succomber face à une coalition entre un général de Amadou Amadaou (Ballobo), qui n’avait pas baissé les bras, et un marabout de Tombouctou Sid el Bekaye Kounta (ennemi juré d’el hadj Oumar). Après environ huit mois de siège autour de Hamdallaye, la coalition eut raison de l’empire toucouleur d’el hadj Oumar. Cette empire toucouleur a été fondé par el hadj Oumar depuis la Guinée à Dinguiraye, cité qu’il a fondée sur la hauteur des collines du Fouta Djalon. C’est de là-bas qu’il a conquis jusqu’à Ségou (le Fouta Djalon, le Djalonkabougou dans le Bambouk, le Khasso, le Kaarta et Ségou). Cet espace est appelé l’empire Toucouleur.

Sabre de Cheick Oumar Tall?

L’auteur du livre «Fragments d’histoire du Mali», Samba Lamine Sow prend position sur l’histoire d’une remise du sabre d’el hadj Oumar Tall opérée en 2019 par l’Etat français à l’Etat du Sénégal. Cette façon de faire, selon lui ne nous permet pas de rester sur les traces de l’histoire, et n’a donc comme but que de brouiller les pistes. La lecture du livre permet d’être édifiée sur bien des faces cachées de cette affaire de sabre d’el hadj Oumar Tall. «Il s’agit d’une fausse lecture de l’histoire qu’on veut nous faire», selon l’auteur. Rien ne démontre que ce sabre est celui qui a appartenu à el Hadj Oumar Tall. Au contraire, tout prouve que le sabre n’appartient pas à el hadj Oumar Tall. C’est ce qui est démontré dans le livre «Fragments d’histoire du Mali».

Boukary DAOU

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