Avec l’Agence française de développement (AFD) au cordon de la bourse, la rencontre hier mercredi 16 février entre le président français Emmanuel Macron et le Sénégalais Macky Sall était sensée baliser le terrain d’un nouveau contrat : « une nouvelle alliance entre l’Afrique et l’Europe ». Mais que peut-on attendre d’un tel évènement, s’il en est ? Faut-il continuer de nourrir l’espoir reposant sur des illusions : croire à la condescendance d’une France, qui veut bien se muer en partenaire crédible, mais qui garde la main bien mise sur la monnaie de ces pays africains et qui ne lésine pas sur les moyens pour tirer profit des ressources premières du continent noir ?

Les modalités de l’investissement en Afrique, épine dorsale de cette «nouvelle alliance entre l’Afrique et l’Europe », alimentent la réflexion engagée sur les questions liées à l’aide au développement.

L’expression consacrée par l’Élysée semble être la « refondation du logiciel », comme indiqué par le journal Lemonde.fr. A croire que l’Elysée a été séduite par les autorités maliennes de la Transition qui prônent aussi la « refondation de l’Etat malien». Le prochain plan Marshall avec l’Afrique va-t-il laisser le Mali au bord de la route à cause des velléités indépendantistes de ce pays, considérées comme un crime et traitées comme tel ?

La France a encouragé le blocus contre le Mali, à la manœuvre la CEDEAO, l’UEMOA, l’UA, l’UE et les Etats-Unis, espérant que, acculé jusqu’à manquer de tout, le peuple malien se dresserait contre les autorités de la transition, qualifiées de ‘’junte au pouvoir’’, malgré le soutien populaire exprimé à son endroit.

Loin du ‘’syndrome de Stockholm’’, le soutien populaire jamais égalé au Mali, exprimé à l’appel des autorités de la transition traduit par ailleurs, l’échec et le déclin de la classe politique malienne, qui a déçu les attentes, détourné et gâché pour longtemps la confiance des Maliens. Au point que dans une contribution aux assises nationales de la Refondation, la Commission Bonne gouvernance et Justice sociale (CBGJS) du Réseau Media et Droits de l’Homme (RMDH), se basant sur des éléments d’enquêtes menées par la Cellule Norbert Zongo (CENOZO), propose que la classe politique fasse son « mea-culpa » et qu’elle « demande pardon au peuple malien » !

Qui mieux que le peuple malien est-il fondé et habilité à voir en les autorités de Transition, une stature «illégitimes » et dans leur décision de Refondation, une « irresponsabilité », à moins de s’ériger en imposteur ?

Toute «nouvelle alliance entre l’Afrique et l’Europe », avec certains voisins du Mali triés et qui exclurait le pays de Assimi Goïta, serait impertinente, une grave erreur historique qui ferait de l’injure à la géographie. Tout cas de figure d’effondrement souhaité contre un Etat comme le Mali pourrait indubitablement toucher, sinon plus gravement d’autres Etats comme le Sénégal, le Burkina Faso…

Si dans la relation au continent africain on épilogue encore plus de soixante années après les indépendances, sur « les termes, les méthodes et les objectifs », c’est que nous avons eu de piètres dirigeants, des hommes de pouvoir, des ‘’pouvoiristes’’ sans être des ‘’hommes d’Etat’’, qui n’ont pas mis nos ressources au service du bien être commun.

Ces hommes de pouvoir continuent de prendre avec la France et l’Europe, de l’’’aumône’’, une infime partie de ce qu’on leur a pris, en emportant à l’état brut, le café, le cacao, le coton, les noix de cajou, la gomme arabique, l’or, l’uranium, les immigrants choisis.

Compter avec la concurrence

La présence chinoise ou russe aux portes de l’Afrique n’est plus une projection, ils y sont. Mercenaires ou officiels, c’est qu’ils ne sont pas des français et lorgnent sur les mêmes matières premières visées par la France, et au delà : ils savent soutenir à ramener la sécurité là où le partenaire français a échoué. Qu’on dise que les Russes vont piller les ressources n’impressionne plus en Centrafrique ou au Mali, on sait déjà que les ressources sont pour les vivants, l’insécurité tue massivement.

Dans ce cas la France et l’Europe doivent sortir le grand jeu diplomatique et en faire dans la coopération gagnant-gagnant ou perdre au Mali et en Afrique. Car l’insécurité qui l’a fait « abandonner » le Mali « en plein vol », sévit aussi au Burkina Faso, au Niger, est aux portes du Bénin (forêt du parc W) et du Togo. Comme la République centrafricaine, ces pays devant l’insécurité débordante au Sahel et vers les côtes, auront le choix entre les interventions russes et le péril collectif.

La France prendra certainement date à Bruxelles ce 17 février, en espérant pour le Président Macron, qu’il tiendra compte des réalités qui sont palpables en Afrique. Compter sur les pressions de la rue à Bamako pour éjecter les jeunes officiers de Kati est inopérant, car avec le peuple malien ils ne font qu’un, les politiques ayant été la déception du siècle.

En tout cas l’avenir de l’Europe en Afrique se joue à travers celui de la France et de Takuba au Mali. En bouclant ce papier nous n’avons pas encore les prises de parole des présidents Emmanuel Macron et Macky Sall de ce mercredi soir. Quel sera l’avenir de l’engagement militaire français ? Que décidera le sixième sommet réunissant l’Union européenne (l’UE) et l’Union africaine (UA), devant se tenir finalement ce jeudi 17 et vendredi 18 février à Bruxelles ?
« Quelques semaines seulement après que la France a hérité de la présidence semestrielle tournante de l’UE, l’occasion semblait rêvée pour Paris de se poser comme le moteur européen de la refondation des relations entre les deux continents. Une refondation dont le président Emmanuel Macron se veut le héraut depuis son arrivée à l’Elysée, en 2017, et qui passe par la réaffirmation de la prééminence de l’alliance de l’Europe avec le continent africain, face au bulldozer économique et financier chinois et aux appétits d’autres puissances émergentes », écrit lemonde.fr.
Une quarantaine de chefs d’Etat ou de gouvernement africains, plus les 27 de l’Union européenne y sont attendus, au moment où l’Europe est préoccupée par ses problèmes aux frontières ukrainiennes, et surtout par le repli attendu des militaires de l’ancienne puissance coloniale française du Mali. La France sera-t-elle contrainte de faire marche arrière ? Wait and see !

B. Daou

Le Républicain

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